Le 1er mai, 2016 Annélie S. Anestin, psychologue clinicienne
« J’ai mal au dos ! » Bon nombre de gens, moi y compris, se plaignent d’une telle douleur. Pour certains, il s’agit d’un inconfort temporaire que l’on désigne comme étant une douleur aiguë. Celle-ci peut être causée par une blessure, une chirurgie ou un faux mouvement. Dans ces cas-ci, il est possible de s’adapter et de composer avec en sachant que cette douleur ne persistera pas. Toutefois, lorsque cette douleur s’échelonne sur une plus longue période (trois mois et plus) ou qu’elle se présente à maintes reprises, il s’agit d’une douleur chronique.
Bien que 20 % de la population canadienne souffre de douleur chronique et que le quart de celle-ci en souffre à un point tel que les activités habituelles quotidiennes sont perturbées, elle demeure méconnue et souvent sous-estimée (Rivard et Gingras, 2012). Dans le livre, « La douleur. De la Souffrance aux mieux-être », plusieurs exemples de conséquences socioéconomiques et psychosociales liées à la douleur chronique sont énumérés : visites médicales fréquentes, absentéisme au travail, réduction ou arrêt d’activités, isolement, colère, impuissance, troubles liés au sommeil, anxiété et dépression (Rivard et Gingras, 2012). Tel que défini par l’Association internationale pour l’étude de la douleur : « la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle déplaisante associée au dommage actuel ou potentiel des tissus. La douleur est très personnelle et subjective » (site internet de l’Association Québécoise de la Douleur Chronique, AQDC, 2015).
Cette définition met en lumière deux aspects distincts de la douleur, soit la sensation et la perception. La sensation fait appel à nos sens (la vision, le touché, l’olfaction, la gustation) et les messages de douleur envoyés au cerveau. L’expérience sensorielle permet de dire au docteur qu’il s’agit d’un pincement, d’une sensation de brûlure ou de picotement. La perception réfère à comment on vit l’expérience sensorielle de la douleur. Autrement dit, à quoi pensons-nous lorsque nous frottons nos tempes pour tenter de nous soulager des maux de tête récurrents ? Quelles émotions surgissent lorsqu’on ne peut prendre son enfant dans ses bras en raison d’une douleur lombaire ? Que faisons-nous lorsque nous annulons la journée de ski tant attendue en raison d’une douleur persistante au genou? Finalement, quelle attitude adoptons-nous lorsqu’on ne connaît pas la cause de la douleur chronique, lorsque les médicaments ne parviennent pas à l’éliminer ou lorsque le médecin nous annonce qu’il n’y a pas de traitement de guérison et que celle-ci repose plutôt dans les mains du patient qui doit gérer sa douleur.
Ces questions sont très importantes car les réponses à celles-ci peuvent influencer l’intensité perçue de la douleur chronique. Ce phénomène peut s’expliquer par la théorie du portillon (Melzack et Wall, 1965). Cette théorie demeure toujours d’actualité malgré son âge ! En somme, elle explique qu’un mécanisme neurologique dans notre moelle épinière agit comme une porte battante en contrôlant l’accès des messages de douleur au cerveau. Plus l’ouverture du portillon est grande, plus l’intensité de la douleur est élevée. Finalement, la gestion de ce portillon repose sur plusieurs facteurs physiques, physiologiques, cognitifs, émotifs et sociaux. Autrement dit, certains facteurs sont hors de notre contrôle MAIS d’autres le sont. Alors mettons l’emphase sur ces derniers!
Parmi les facteurs pouvant être contrôlés, il y a les pensées catastrophiques liées à la douleur chronique pouvant mener à un sentiment d’impuissance ou de désespoir et à un comportement d’inactivité. Plusieurs études ont démontré qu’entretenir des pensées telles que : « Cette douleur est incontrôlable !! », « Je ne pourrai jamais mener une vie normale », « Je ne peux pas bouger car je risque d’avoir mal », génèrent un sentiment d’impuissance et intensifie la perception de la douleur (Vienneau et coll., 1999). Par ailleurs, Dr. Gamsa, psychologue et directrice d’un programme de gestion de la douleur à Montréal, révèle qu’il importe d’aider les individus souffrant de douleur chronique en validant leur souffrance, en ajustant leurs croyances liées à la douleur ainsi qu’en ajustant leurs objectifs personnels (Faire équipe face à la douleur chronique. Un ouvrage conçu pour les patients écrits par leurs professionnels de la santé, p.152).
À cet égard, plusieurs programmes regroupant différentes professions (médecins, anesthésistes, infirmières, psychologues, physiothérapeutes, ergothérapeutes) ont été élaborés pour améliorer la qualité de vie d’individus souffrant de douleur chronique. Un groupe de chercheurs ayant recueilli plusieurs études afin de mesurer l’efficacité des programmes multidisciplinaires pour la douleur chronique ont conclu que ceux-ci étaient efficaces (Scascighini et coll., 2008).
Voici plusieurs stratégies pouvant améliorer la gestion de la douleur chronique:
SAVOIR = POUVOIR
Se renseigner sur la douleur chronique est primordial ! Avoir de l’information sur les facteurs et les conséquences de celles-ci peuvent guider nos choix. Il existe plusieurs ressources accessibles à tous :
SORTIR DE L’ISOLEMENT
Évitez de vous isoler et de ruminer sur votre douleur chronique. Parlez-en à un ami, un parent, un psychologue ou un médecin. Il existe des groupes de soutien et une ligne d’écoute. Vous n’êtes pas seul!
Pour les informations groupes de soutien:
514-355-4198° 1-855-230-4198
Ligne d’écoute : 1-855- DOULEUR
PORTEZ ATTENTION À SON DISCOURS INTÉRIEUR
Prenez le temps d’explorer votre attitude face à votre douleur. Qu’est-ce que vous vous dites ? Que ressentez-vous ? Que faites-vous lorsqu’elle survient ? Il s’agit ici d’une première étape de prise de conscience et celle-ci vous aidera à cheminer vers une meilleure gestion.
EXERCICE DE RESPIRATION
Avoir une pratique d’une respiration profonde pourrait vous aider à gérer l’anxiété liée à la douleur chronique, vous offrir un moment de distraction à la douleur et un moment de détente.
La respiration diaphragmatique est un exercice qui permet de remplir l’air en totalité des poumons en utilisant le bas du ventre plutôt que le thorax. Elle permet de ralentir le rythme de respiration et d’augmenter son amplitude.
Installez-vous confortablement dans un endroit calme et concentrez-vous sur votre respiration sans la modifier. Placez une main sur le thorax et l’autre sur le ventre. Maintenant portez votre attention sur votre main sur le ventre. Inspirez profondément par le nez (3 à 5 secondes) et visualisez votre ventre se gonfler comme un ballon. Ensuite expirez doucement par la bouche (3 à 5 secondes) comme si vous vouliez enfoncer votre nombril le plus loin possible. Répétez l’exercice à plusieurs reprises.
Bonne gestion!
Annélie S. Anestin est une psychologue à la clinique Connecte Groupe de psychologie de Montréal. L’équipe de Connecte aime bien écrire sur les diverses façons d’améliorer notre santé mentale et inclure la psychologie dans notre vie quotidienne. Pour plus de conseils utiles, consultez les blogues de Connecte, les baladodiffusions, suivez-nous sur Instagram @connectepsychology, sur Twitter @ConnecteMTL ou aimez notre page sur Facebook.
Dionne, F. Libérez-vous de la douleur par la méditation et ACT. 2016. Éditions Payot, Québec.
Dufour M., Lamarche J. Apprivoiser la douleur et la souffrance autrement. 2014. Éditiona AdA inc., Québec
Les productions Odon. Faire équipe face à la douleur chronique. Un ouvrage conçu pour les patients écrits par leurs professionnels de la santé. Productions Odon 2010, Québec.
Melzack R, Wall PD. Pain mechanisms: a new theory. Science 1965; 150: 971-9.
Vienneau TL, Clark AJ, Lynch ME, Sullivan MJL. Catastrophizing, functional disability and pain reports in adults with chronic low back pain. Pain Res Manage 1999; 4: 93-96.
Rivard M-J, Gingras D. La douleur. De la Souffrance aux mieux-être. 2012. Éditions Miléna Stojanac
Scascighini L, Toma V, Dober-Spielmann S, Sprott H. Multidisciplinary treatment for chronic pain: a systematic review of interventions and outcomes. Rheumatology 2008; 47: 670-8.