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Détricotée

25 juillet, 2024
Leanne D. Rondeau, psychologue clinicienne

«Je me suis détricotée comme ce chandail que j’ai tricoté deux fois ; un chandail que j’ai confectionné pour la première fois lors d’un échange étudiant, à l’âge de vingt ans. J’ai réalisé que les manches étaient trop larges. Je l’ai fait une fois, je l’ai démêlé et je l’ai refait.

J’ai découvert que l’image du détricotage résonne chez beaucoup de personnes qui recherchent du soutien et de la clarté à travers la psychothérapie : certains ont le sentiment d’être comme un amas de fils de différentes couleurs, tous entrelacés et en désordre ; beaux, mais pas fonctionnels de manière optimale.

Prendre une distance

Parfois, je demande aux gens de choisir des couleurs pour représenter les différents aspects des défis de leur vie. Je suis surpris de voir à quel point il leur est facile de jouer le jeu : « Ah ! Mon travail, c’est jaune pâle, et mes enfants, eh bien, c’est rose vif ! Et mes problèmes de santé ? Eh bien, je vois juste cela comme un mélange orange-brun ». Les raisons de ces choix de couleurs sont toujours intéressantes.  On pourrait dire qu’on entre ici dans l’inconscient, mais je n’en suis pas sûre.  Cette façon de voir les luttes nous permet à tout le moins de prendre du recul, de devenir plus attentifs à ce que nous vivons, de voir plus clairement comment les différents aspects de nos vies interagissent et comment ils sont séparés.

Comment ça fonctionne ?

Mais qu’est-ce que la thérapie et pourquoi est-il utile de démonter lentement les choses ? Comment cela nous aide-t-il à sortir des enchevêtrements de la vie et des nœuds douloureux dans lesquels nous nous trouvons ?  La souffrance sous une forme ou une autre incite les gens à consulter, et les objectifs exprimés par les gens impliquent le plus souvent diverses façons de dire qu’ils aimeraient réduire (ou éliminer) cette souffrance. Le processus de psychothérapie est-il aussi simple que de démêler un fil, de démêler encore plus quelque chose pour ensuite le reconstituer à nouveau ?

Ralentir

Le neuropsychologue Louis Cozolino a passé la majeure partie de sa carrière à faire la synthèse des derniers développements en neurosciences et à écrire sur les raisons pour lesquelles la thérapie fonctionne.  Il envisage le processus de psychothérapie comme aboutissant à l’intégration des différentes zones du cerveau (hémisphère supérieur-inférieur, droit et gauche). Les zones qui étaient bloquées, pour ainsi dire, se libèrent. Selon lui, pour que cette intégration se produise, il faut que les gens soient confrontés à des défis légers à modérés au sein d’une relation de soutien. Nos niveaux de stress sont souvent trop élevés pour qu’il y ait des modifications neurologiques significatives.  Et nous nous sentons souvent seuls dans notre souffrance. Ralentir (et en bonne compagnie !) abaisse très certainement notre niveau d’activation à un niveau où le changement peut se produire.

Favoriser la compassion plutôt que la compétition

Paul Gilbert, fondateur de la Thérapie par la Compassion, dirait que le processus thérapeutique implique que les thérapeutes créent un espace pour que les gens puissent accéder à leur motivation compatissante et à leur sagesse intérieure. Les gens sont souvent guidés par ce qu’il appelle une manière compétitive d’organiser leur esprit, se comparant aux autres, se jugeant durement et ayant honte d’eux-mêmes ce faisant. Cela entraîne non seulement un bouleversement émotionnel, mais réduit également la capacité des gens à voir clairement. Démêler avec soin peut révéler les limites de la comparaison concurrentielle.  La curiosité et le questionnement bienveillant peuvent créer un espace permettant aux gens d’accéder à leur compassion et à leur sagesse intérieure. Des réponses nouvelles émergent.

Abandonner la honte

Démêler nos histoires et abandonner nos habitudes de faire des nœuds et de répéter des mantras compétitifs implique bien plus que simplement mettre les choses en ordre.  Cela implique de mettre les choses en ordre, mais il vaut mieux que cet ordre soit un ordre compatissant.  Parmi les nœuds qui se dénouent se trouve le plus souvent la conviction qu’il y a plus profondément quelque chose qui ne va pas chez nous (notre honte).  Petit à petit, nous commençons à nous considérer de l’extérieur comme un simple être humain qui a traversé des moments difficiles.  Lentement, nous commençons à nous sentir comme quelqu’un que nous pouvons chérir et aimer.

« J’ai toujours ce chandail.  Une de mes filles le portait.  Je ne me souviens pas vraiment à quoi il ressemblait avant de le démêler.  Étonnant que je l’ai tricoté sans modèle

Mais j’ai dû le faire deux fois. »

références

[i] Cozolino, Louis. (2017).   The Neuroscience of Psychotherapy:  Healing the Social Brain (Third Edition).  Norton Series on Interpersonal Neurobiology.

[ii] Cozolino, Louis. (2015).   Why Therapy Works:  Using Our Minds to Change our Brains. W.W. Norton & Company.

[iii] Gilbert, P. (2010). Compassion Focused Therapy, Distinctive Features. New York: Routledge.

[iv] Gilbert, P.; Choden (2013). Mindful Compassion, How the Science of Compassion Can Help You Understand your Emotions, Live in the Present, and Connect Deeply with Others. Oakland: New Harbinger Publications Inc.