10 novembre, 2021
Dre Annélie S. Anestin, psychologue clinicienne
« À quoi pensez-vous lorsque vous voyez les mots POUVOIR, DEVOIR, VOULOIR? » Au-delà des leçons de conjugaison de verbes à plusieurs radicaux, ces trois verbes ont un impact notable sur nos réflexions, nos comportements et nos émotions. Selon moi, cette réflexion est nécessaire et importante car elle permet de prendre conscience de ce qui nous motive à agir. Pas convaincu (e)? Permettez-moi un petit retour dans mon passé académique afin de vous convaincre de mes propos!
Lors de mes études universitaires, il fallait lire le livre « Why we do what we do, Understanding Self-Motivation » (Deci, 1995). Ce livre explique le concept de l’autodétermination et les différents types de motivation ayant un impact sur la régulation de nos émotions et nos comportements. En résumé, tout individu cherche à satisfaire trois besoins psychologiques fondamentaux : le besoin de compétence (se sentir efficace, être capable d’effectuer des tâches); le besoin d’autonomie (avoir l’impression d’être à l’origine de ces actions); le besoin d’appartenance sociale (besoin de se sentir connecté(e) à l’autre, soutenu (e) par autrui). L’atteinte de ces besoins influence les différents types de motivation : Intrinsèque (engagement volontaire et spontané de l’individu); extrinsèque (engagement pour des motifs externes tels que des récompenses, pression sociale, approbation de l’autre, éviter un conflit); amotivation (absence de motivation, engagement sans objectif connu ou précis). Près de 20 ans plus tard, le principe d’autodétermination est toujours d’actualité. Par exemple, cette théorie permet de développer des stratégies pour promouvoir de saines habitudes de vie (comportements alimentaires, exercice physique, etc.) (Migliorini et al., 2019).
Alors, revenons à nos fameux trois verbes. Ceux-ci expriment la capacité ou la possibilité (pouvoir), l’obligation (devoir) et le désir (vouloir). Donc, lorsque les clients me rapportent les actions ou gestes posés, je les invite à réfléchir à l’interaction entre ces trois verbes. Par exemple : « Lorsque vous avez la capacité de rendre service à un ami, est-ce que vous le faites parce que vous voulez où vous avez l’impression que vous devez? Est-ce qu’il vous arrive de poser un geste parce que vous pouvez sans réfléchir à si cela vous intéresse ou si vous devez le faire? Qu’est-ce que vous désirez obtenir en posant ce geste?». Ces réflexions permettent de prendre conscience de la source de motivation de nos actions et d’évaluer quel (s) besoin(s) tentons-nous de satisfaire.
Pour entamer ce processus, je vous invite donc à réfléchir aux diverses combinaisons possibles entre POUVOIR, VOULOIR ET DEVOIR (je peux mais est-ce que je veux? je dois mais est-ce que je peux? je veux mais est-ce que je dois? etc). Cependant, il peut être difficile d’entamer ce processus de réflexion car on peut avoir tendance à réagir (action spontanée) souvent plutôt qu’agir (action planifiée) face à une situation. Dans ce cas-ci, je vous suggère d’appliquer la règle du 90 secondes. Lors d’une conférence « TED talk » Jill Bolte Taylor, Ph.D, neuroscientifique, explique ceci :
« When a person has a reaction to something in their environment, there’s a 90-second chemical process that happens; any remaining emotional response is just the person choosing to stay in that emotional loop.»
Bref, attendez 1 minute 30 secondes avant de poser votre geste. Ce lapse de temps pourrait vous permettre de prendre quelques grandes respirations et réfléchir ce que vous pouvez-voulez-devez faire en lien avec vos besoins et source de motivation.
Bonnes réflexions!
(1) Deci, E.L. (1995). Why we do what we do, Understanding Self-Motivation. Penguin. Books.
(2) Deci, E.L. & Ryan, R.M. (2000). Self-Determination Theory and the Facilitation of Intrinsic Motivation, Social Development, and Well-Being. American Psychologist, 55(1), 68-78.
(3) Taylor, J.B. My stroke of Insight. Ted talk. https://www.ted.com/talks/jill_bolte_taylor_my_stroke_of_insight?language=en
(4) Migliorini L, Cardinali P and Rania N (2019) How Could Self-Determination Theory Be Useful for Facing Health Innovation Challenges? Front. Psychol. 10:1870. doi: 10.3389/fpsyg.2019.01870