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Les vacances, ou l’art de se permettre d’arrêter (même en temps de pandémie)

15 juillet, 2020
Adrianne Pauzé, thérapeute candidate PsyD

Lorsque je monte en voiture, je vérifie généralement la jauge à essence. Parfois j’oublie. Ce n’est jamais bien grave parce qu’un petit « E » rouge s’illumine pour m’indiquer que je serai bientôt à court de carburant. Je repère alors la station-service la plus proche et je mets de l’essence. Je n’aurais jamais l’idée d’ignorer ce signal et de continuer à rouler jusqu’à ce que la voiture tombe en panne! Alors pourquoi le fait-on pour nous?

Généralement, l’idée de prendre des vacances a bien du sens. Les bienfaits des vacances et du repos ne sont plus à démontrer sur la santé physique et mentale. Pourtant, dans les faits, c’est un tout autre défi de s’arrêter pour plusieurs d’entre nous! Et cela semble d’autant plus vrai dans ce contexte de pandémie! Voici quelques défis auxquels nous sommes confrontés.

Observer qu’on a besoin de vacances, ou l’écoute de soi

  • « Tout le monde m’énerve, tant mes collègues que ma famille. On m’a d’ailleurs fait remarquer que je suis plutôt irritable ces derniers temps. »
  • « Je m’endors 1 heure plus tôt qu’à l’habitude et pourtant, je peine à sortir du lit le matin. »
  • « Je fais tellement d’erreurs d’inattention ces temps-ci! Et on dirait que les tâches me prennent le double du temps qu’à l’habitude. »

Encore faut-il savoir qu’on a besoin de vacances! Quels sont les indices que nous sommes dus pour prendre une pause? Un peu comme la jauge d’essence dans une auto, notre corps nous signale où nous en sommes dans notre réserve d’énergie. D’emblée, on pense aux difficultés de concentration, aux trous de mémoire, aux ruminations excessives en dehors du travail. Pour certains, cela passe par le physique, comme le manque d’énergie, les maux de tête, le regard fatigué, les troubles de sommeil. Notre humeur peut également procurer des indices qu’on est au bout du rouleau: irritabilité, pleurs, détachement (le « je-m’en-foutisme »), apathie (envie de rien).

Comme ces indices varient d’une personne à l’autre et peuvent se manifester dans une multitude de situations, il est parfois difficile d’y voir le besoin d’une pause. L’écoute et l’observation de soi sans jugement (voir point suivant), permettent d’apprendre à reconnaître les signes qu’il est temps de s’arrêter.

Par ailleurs, nous remarquons souvent ces indices lorsqu’ils sont très présents (ou lorsque nos proches nous le font remarquer!). Une fois que l’on connait les signes qu’on a besoin de vacances, on peut y porter attention plus régulièrement afin de pouvoir y répondre plus rapidement et plus efficacement.

Accepter qu’on a besoin de vacances, ou le non-jugement

  • « Je ne devrais pas être fatigué, j’ai déjà travaillé vraiment plus qu’en ce moment! »
  • « Je n’ai pas besoin de vacances, je suis toujours à la maison! »

Depuis le début de la pandémie, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu des gens remettre en question leur besoin de ralentir ou de prendre une pause. Pourtant, plusieurs facteurs peuvent expliquer que nous soyons au bout du rouleau! D’abord, nos capacités d’adaptation sont mises à rude épreuve face à tous les changements survenus dans les derniers mois (télétravail, enfants à la maison, perte d’emploi, maladie d’un être cher, isolement). Dans une même veine, plusieurs de nos activités habituelles qui étaient autrefois si simples se sont complexifiées (faire l’épicerie a désormais une tout autre ampleur!). Ensuite, le virus et ses répercussions génèrent son lot d’émotions intenses: anxiété, déception, frustration, impuissance, solitude, désespoir ( https://connectepsychology.com/en/2020/03/15/calm-in-the-time-of-coronavirus-how-to-cope-with-our-collective-fear/). Finalement, nous n’avons pas nécessairement accès à nos stratégies habituelles pour faire le plein d’énergie (souper entre amis, massage, voyages, activités physiques en groupe, moment seul à la maison pendant que les enfants sont à l’école). Ainsi, une attitude de curiosité bienveillante permet rapidement de constater que le contexte de pandémie à lui seul comporte son lot de défis au quotidien, de sorte que nos ressources sont mises à rude épreuve!

Inversement, le fait de juger négativement ou d’invalider nos besoins risque plutôt de retarder la décision de s’arrêter et d’exacerber l’épuisement. Pour reprendre mon analogie, même si je suis surpris que la jauge à essence pointe déjà sur le « E », même si je trouve que je consomme trop d’essence, même si j’aimerais mieux arrêter plus tard, ça ne change rien au fait que je vais devoir faire le plein tôt ou tard si je ne veux pas tomber en panne. Et plus on attend, moins on a de marge de manœuvre.  

Se permettre de prendre des vacances, ou le respect de soi

  • « Je ne veux pas gaspiller mes vacances en étant à la maison. »
  • « Je vais en profiter pour repeinturer toute la maison, mettre à jour mon budget, rattraper mon retard sur ma tenue de dossier, nettoyer les fenêtres… »
  • « Je n’ai pas droit à des vacances, j’ai juste une fin de semaine »
  • « Je vais mettre mes collègues dans le pétrin si je m’absente quelques jours. »

Fermez les yeux, et imaginez les vacances que vous auriez si tout était possible. Certes, ces vacances ne sont peut-être pas accessibles en ce moment. Quels sont les éléments essentiels de l’image mentale que vous avez imaginée? Comment pouvez-vous reproduire ces éléments? Avec un peu de créativité et en acceptant que ce ne soit pas parfait, il est possible de recréer les éléments essentiels qui vont vous permettre de refaire le plein, avec les ressources dont vous disposez. Ma suggestion pour reproduire un moment à la plage : serviette de plage, bruit de vagues dans mes écouteurs, boisson rafraîchissante, lunettes de soleil et vaporisateur d’eau.

Attention aux obligations fictives et aux TO DO LIST qui n’en finissent plus! Ce n’est pas parce que vous êtes à la maison plutôt qu’en voyage que votre besoin de relaxer ou de vous divertir s’est envolé! Ce n’est pas le temps de vous lancer dans le classement de vos factures des 12 derniers mois, repeinturer toute la maison et de vérifier vos courriels chaque heure! https://connectepsychology.com/en/2017/04/27/the-importance-of-unplugging/). Pourquoi ne pas attendre d’avoir fait le plein d’énergie? Vous serez alors mieux outillés pour aborder de nouveaux défis.

Finalement, le moment parfait pour s’arrêter n’existe pas. Et votre besoin, lui, ne s’estompera pas. D’où l’importance de prioriser les actions qui vous feront du bien, même si cela implique de faire des compromis sur votre routine habituelle (le lavage attendra) ou de risquer de déplaire aux collègues (vous survivez bien à leurs vacances!).

Si vous présentez de la difficulté à prioriser vos besoins ou à mettre vos limites, je vous invite à consulter ces blogues rédigés par mes collègues : https://connectepsychology.com/en/2017/05/16/the-importance-of-setting-boundaries/ https://connectepsychology.com/en/2017/10/22/feeling-overcommitted-how-to-avoid-feeling-drained-and-better-set-your-priorities/

 

references

Fritz, C., & Sonnentag, S. (2006). Recovery, well-being, and performance-related outcomes: the role of workload and vacation experiences. Journal of Applied Psychology,  91 (4), 936.

Perlow, L. A., & Porter, J. L. (2009). Making time off predictable–and required. Harvard business review87(10), 102-9.

Westman, M., & Etzion, D. (2001). The impact of vacation and job stress on burnout and absenteeism. Psychology & Health16(5), 595-606.